“Salut elman”

Hier après-midi, je me promenais tranquillement et incognito dans Paris, du côté du quartier de l’Opéra quand soudain, j’ai été interpellé par un sonore “Salut elman” !

Interloqué je me suis arrêté et me suis retourné, et bien entendu, c’était un compatriote, que je ne connaissais pas, qui m’avait hélé de la sorte. Quelle chance, quelle probabilité pour que je sois reconnu de cette manière dans cette immense Capitale française ? Très faible .. mais pas inexistante non plus alors ?

Le premier moment de surprise passé, l’occasion était bien entendu toute trouvée pour prendre quelques minutes et tailler une bavette avec ce monsieur, qui se reconnaîtra d’ailleurs 🙂

Et grâce à actutana, c’était comme si on s’était toujours connu depuis des lustres et ce fut un court moment certes, mais très intéressant.

L’occasion donc d’échanger quelques mots avec ce compatriote de la diaspora et malheureusement, depuis 6 mois que je suis en France, j’entends toujours cette belle unanimité sur la situation à Madagascar.

Unanimité mais aussi réalité : cette pauvreté galopante, cette misère, cette saleté, cette insécurité qui fait que tout projet de retour et d’installation au pays est quasiment réduit à néant.

Je l’avais pressenti depuis mes premières chroniques sur le sujet : en général, ce n’est pas la question de l’argent qui bloque le retour de la diaspora à Madagascar mais autre chose.

Quelle chose ? L’insécurité on l’a vu. Mais pas seulement. Il y a aussi une certaine mentalité locale qui est complètement rédhibitoire pour des gens qui ont passé une grande partie de leur vie en France. La frustration, la jalousie des autres à leur égard, c’est complètement insupportable pour des gens qui ont passé leur vie dans une certaine discrétion, un certain anonymat.

Quoi d’autre ? Ah oui, et là ce n’est pas ce monsieur hier qui m’en a parlé mais d’autres personnes, c’est le fait que l’on te considère comme une pompe à fric, vu que tu débarques d'”andafy“. Et donc que tu y as réussi ?

Quoi d’autre encore ? Ah oui cette corruption hallucinante et honteuse. Quand tu viens d’un pays où tu as droit à une certaine qualité de service public, comment peux-tu t’adapter aux “réalités” malgaches où pour la moindre chose on te demande encore de payer quelque chose que tu as déjà payé ?

Que dire de plus ? Malgré tous ces freins, cette diaspora espère encore et encore. Grâce au web et aux réseaux sociaux, elle reste parfaitement informée de ce qui se passe au pays. Mais pour ceux qui y sont passés par exemple cet été 2018, ce fut un choc de découvrir Antananarivo dans un état aussi lamentable : de la saleté, de la pauvreté, de la misère à tire larigot .. et pas seulement sur le plan matériel mais aussi et surtout dans la mentalité des gens. Dans la tête quoi.

Et ce qui m’a le plus désolé, c’est le mot de la fin de mon interpellateur de l’Opéra : “tu sais elman, même le jour où je décéderai ici en France, je demanderai à ce que mon corps ne soit pas rapatrié à Madagascar“.

Et sans qu’il ait besoin de m’expliquer la raison, je l’ai immédiatement comprise, j’ai su immédiatement de quoi il voulait parler : même mort et enterré dans ton caveau à Madagascar, ils trouvent encore le moyen de te voler.

Tes os.

Le tanindrazana n’est donc plus ce qu’il était et bravo les branquignols qui ont mis ce pays dans ce état depuis 10 ans, que ce soit sur le plan matériel ou spirituel. Et qui veulent encore en remettre une couche .. pour terminer le travail ?