Celui qui chasse le dictateur

… est-il pire que le dictateur ? Quand on considère les événements qui se passent en ce moment, les sentiments sont mitigés, comme l’illustre parfaitement le sondage en cours. Tour d’horizon.

Le premier sentiment est de se dire : “ah ça y est, la cocotte-minute a explosé” ? Et de poursuivre : “.. ah bah il l’a bien cherché le locataire de Iavoloha, tant pis pour lui, qu’il assume et qu’il se débrouille, efa tenenina fa eee“.

De l’autre côté, ces mouvements de masse ne sont pas sans provoquer quelques inquiétudes. Une foule de gens, par définition, est toujours compliquée à gérer, à canaliser.

Et nous ne parlerons même de l’effet de groupe, où tout d’un coup, tout le monde se sent plus fort, plus “mafy be”. Donc il suffira qu’une seule personne lance une proposition voire une instruction un peu débile, après avoir bien chauffé à blanc son auditoire et paf tout ce beau monde suivra.

Alors, en quoi reconnaît-on que celui qui a chassé le dictateur peut potentiellement être pire que le dictateur ?

2 événements assez grave se sont produits ces derniers jours, qui devraient faire réfléchir.

Le premier c’est quand les manifestants se sont rendus au siège de la TVM. On peut discuter longtemps de la médiocrité de cette chaîne nationale et du fait qu’elle n’est que la caisse de résonance de la voix de son maître, mais cela justifiait-il de quasiment prendre en otage le DG de cette chaîne et de lui ordonner de faire ceci ou cela ?

Second événement : la “prise” des ministères et autres organismes publics. Si les manifestants veulent faire la grève c’est leur droit le plus strict. Mais ce droit s’arrête là, ils n’ont pas le droit d’obliger les autres à faire grève comme eux et de cadenasser ceux qui ne sont pas du même avis qu’eux. A ce moment là ça devient de la contrainte, de la dictature, de l’abus de pouvoir … du terrorisme même et c’est pourtant ce que ces manifestants veulent combattre non ?

Donc attention aux dérives

Oui tout le monde en a marre de l’incompétence et de la gabegie de ces 4 dernières années, de ces Claudine et de ces “zay zao no eo aminy pouvoir” mais ce n’est pas un chèque en blanc pour que n’importe qui fasse n’importe quoi et à n’importe quel prix,  pour déloger ces gens de Iavoloha.

Hormis les 2 morts du 21 avril, c’est un bon point qu’il n’y ait pas eu de casse jusqu’ici. Mais comme je l’ai dis en préambule, les mouvements de foule , même a priori pacifiques, sont difficilement contrôlables. Et comme on vient de le voir en France pour le 1 mai, il suffit qu’il y ait un petit groupe malintentionné qui s’infiltre dans le cortège et ça part très vite en sucette.

A ce stade il est inutile de me demander ce qu’il conviendrait de faire, puisqu’en toute honnêteté je n’en ai pas la moindre idée.

Mais comme beaucoup ici, moi aussi je m’en tiens aux motifs initiaux qui ont fait que beaucoup de personnes ont adhéré à ce mouvement sur le 13 mai : comme se plaît à le rappeler la Communauté internationale, les élections à venir doivent être libres, inclusives et crédibles.

Ce qui est loin d’être le cas, au vu de tout ce qui s’est tramé jusqu’ici : corruption flagrante du législateur, bidouillage des lois electorales pour éliminer les candidatures gênantes, aussi bien chez les “grosses pointures” que chez les indépendants, sans parler du processus électoral en lui même qui est des plus suspects.

Et j’en profite pour procéder à une petite piqûre de rappel : 2009-2014 nous avons eu une Transition “compliquée“, pour rester poli.

Est-ce que nous souhaitons revivre cette époque ?

Et je termine cette chronique comme je l’ai commencé : attention à ce que celui qui chasse le dictateur ne soit pas pire que le dictateur, sinon rebelote dans plus ou moins 8 ans pour revivre la malédiction. A moins que le FFKM ne réussisse à nous exorciser d’ici là.