Il y a quelque chose de profondément ironique et de très préoccupant à Madagascar.
D’un côté, les indicateurs économiques, notamment le PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA), montrent une certaine progression.
Ce chiffre suggère une augmentation de la richesse moyenne disponible pour chaque individu.
Pourtant, cette amélioration statistique contraste vivement avec la réalité du terrain : la grande majorité des Malgaches continue de vivre dans une pauvreté tenace.
Ce paradoxe, loin d’être un simple détail, révèle les défaillances profondes d’un modèle de développement qui ne parvient pas à transformer la croissance économique en un réel mieux-être pour l’ensemble de la population.
Une démographie galopante
La première explication de ce décalage réside dans la croissance démographique extrêmement rapide de l’île.
Imaginez une tarte qui, même si elle devient plus grande chaque année, doit être partagée entre un nombre toujours croissant de convives.
Si le nombre de bouches à nourrir augmente à un rythme soutenu, les gains par personne sont mécaniquement dilués. Cela limite considérablement l’impact sur le niveau de vie individuel.
À Madagascar, la forte natalité annule souvent une part significative des progrès économiques.
Des inégalités criantes
Cependant, la démographie n’est qu’une pièce du puzzle. Le cœur du problème est sans doute la répartition profondément inégale des richesses.
Lorsque le PIB PPA progresse, il est essentiel de se demander qui bénéficie réellement de cette augmentation.
Trop souvent, cette croissance profite principalement à une petite élite : les grands propriétaires, les chefs d’entreprise ou ceux qui ont déjà un accès privilégié aux capitaux et aux opportunités.
Pour la vaste majorité de la population, qui dépend souvent de l’agriculture de subsistance ou d’activités informelles et précaires, les retombées de cette croissance restent marginales.
La richesse s’accumule au sommet de la pyramide sociale tandis que la base continue de lutter pour sa survie quotidienne.
Une croissance peu inclusive
La nature même de la croissance économique malgache contribue également à ce paradoxe.
Si le développement est principalement tiré par des secteurs à forte valeur ajoutée mais à faible intensité d’emploi, comme l’extraction minière, les bénéfices peuvent rester confinés.
Ces industries génèrent parfois des revenus importants, mais si elles ne créent pas suffisamment d’emplois décents pour la population locale.
La sous-traitance locale est quasiment inexistante : et si les recettes fiscales ne sont pas réinvesties de manière équitable et transparente, le PIB peut s’améliorer sans que cela ne change la vie des citoyens ordinaires.
Manque d’investissements fondamentaux
De plus, le manque chronique d’investissements dans le capital humain et les infrastructures de base freine considérablement le développement inclusif.
Comment peut-on espérer une amélioration durable du niveau de vie si l’accès à une éducation de qualité, à des soins de santé adéquats et à des infrastructures essentielles comme l’électricité ou des routes praticables reste un luxe pour la plupart ?
Sans ces fondations solides, les opportunités pour les populations les plus pauvres de développer leurs compétences, d’augmenter leur productivité et de participer pleinement à l’économie sont tristement limitées.
Gouvernance et corruption
Enfin, les défis liés à la gouvernance et à la corruption ne peuvent être ignorés.
Des institutions fragiles, une corruption répandue et un environnement des affaires peu attractif découragent les investissements productifs qui pourraient générer des emplois et de la richesse pour tous.
Les ressources publiques sont malheureusement trop souvent détournées ou mal allouées, ce qui entrave la mise en œuvre de politiques de développement efficaces et équitables.
De surcroît, la vulnérabilité du pays aux chocs externes et aux catastrophes naturelles ajoute une couche de difficulté pour une population déjà fortement éprouvée.
L’impératif d’une croissance inclusive
En somme, le paradoxe d’un PIB en hausse face à une pauvreté persistante à Madagascar n’est pas un mystère.
Il est le symptôme clair d’une croissance qui n’est pas suffisamment inclusive.
Pour que les chiffres du PIB PPA cessent d’être de simples statistiques abstraites et se traduisent par un véritable progrès pour chaque Malgache, il est impératif d’orienter les efforts vers une répartition plus juste des richesses
Mais également de produire des investissements massifs dans les services sociaux et les infrastructures.
Sans oublier la promotion de secteurs économiques qui créent des emplois décents pour le plus grand nombre, et un engagement inébranlable en faveur d’une gouvernance transparente et responsable.
C’est uniquement à ce prix que l’espoir d’une vie meilleure pourra enfin devenir une réalité concrète pour la population de Madagascar.